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Notules sur un concile (33) "Nostra ætate"

Exceptionnellement, il faut dire un mot de la genèse de cette déclaration.

A l’origine il y avait un schéma, voulu par Jean XXIII et rédigé par le cardinal Bea, avec pour titre de travail « Document sur les relations d'ordre strictement religieux entre Catholiques et Juifs ».

Lors de la deuxième session, le document était distribué aux pères conciliaires comme un projet sur « l’attitude des catholiques à l’égard des non-chrétiens, et spécialement à l’égard des Juifs ». En fait il n’était question que des Juifs, et cela devait constituer le chapitre 4 du schéma sur l’œcuménisme. Les patriarches orientaux protestèrent qu’un chapitre favorable aux Juifs dans un texte sur l’œcuménisme allait porter tort, et considérablement, aux chrétiens des pays où ils sont minoritaires. D’autant que les musulmans ne faisant pas la distinction entre le politique et le religieux, le texte serait interprété comme un soutien à l’Etat d’Israël. Ou alors, dit Maximos IV, il faut aussi parler des musulmans. Et certains évêques se demandaient pour quelle raison un document sur l’œcuménisme, donc sur l’unité des chrétiens, pouvait ou devait parler des relations avec les Juifs. (1)

Finalement, à la troisième session, le texte devenait une déclaration séparée « sur les relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes ». Débutant par deux mots neutres : « Nostra ætate » : à notre époque…

Néanmoins, et c’est pourquoi il fallait dire un mot de sa genèse, ce texte demeure essentiellement celui où l’Eglise catholique fait une déclaration d’amour au judaïsme. Le paragraphe le plus long est de loin celui qui parle des Juifs, d’une façon à la fois ambiguë, sans bien distinguer les juifs de l’Ancien Testament de ceux d’aujourd’hui, et aussi beaucoup moins « judaïsante » qu’on ne l’a dit. Ainsi, ce paragraphe rappelle-t-il que le Christ a réconcilié les juifs et les gentils « par sa croix et en lui-même, que « Jérusalem n’a pas reconnu le temps où elle fut visitée », que « nombreux » furent les juifs qui s’opposèrent à la diffusion de l’Evangile, que « l’Eglise est le nouveau peuple de Dieu ».

Contrairement à ce que beaucoup croient aujourd’hui, y compris des gens dont on pense a priori qu’ils ont lu la déclaration, on n’y trouve pas la mention des juifs comme « frères aînés » des chrétiens. (2)

Ce qui a été considéré comme révolutionnaire est cette phrase : « Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ, ce qui a été commis durant sa Passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps. » Mais, franchement, on ne voit pas ce qu’il y a là de nouveau par rapport aux pères de l’Eglise ou au concile de Trente…

En fait, ce texte sert désormais aux organisations juives à protester, dès que quelque chose ne leur plaît pas dans l’Eglise, en criant que c’est contraire à Nostra ætate, que c’est un recul par rapport au concile, etc.

Avant le couplet sur les juifs il y a donc le couplet sur les musulmans, beaucoup plus court, qui aligne de façon un peu aventureuse des points communs entre l’islam et le christianisme, mais qui se garde d’utiliser le mot « islam » : il s’agit, tout au long, « des musulmans ».

Puisqu’on parlait des juifs et des musulmans, et finalement des adeptes de toutes les religions, il fallait dire aussi un mot de ces autres religions. C’est par là qu’on commence, au deuxième paragraphe. C’est évidemment un méli-mélo, un magma que tout théologien ou historien des religions devrait trouver proprement honteux. Mais c’est pour dire que l’Eglise « ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions », regarde tous ceux qui ont une religion avec sympathie et les respecte et prône le dialogue…

Et le paragraphe final prône la fraternité universelle et la réprobation de toutes les discriminations…

J’ai dit au début de mes notules que la plupart des textes du concile étaient trop longs. Il se trouve que celui-ci est très court. Ça ne l’empêche pas d’être encore trop long…

(1) Et pourtant en 1974 Paul VI créa une Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme, commission dont le président et le vice-président sont le président et le secrétaire du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens. De ce fait, dans l’organigramme de la Curie, la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme fait partie du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens dont elle est théoriquement distincte. C’est une étrange anomalie qui perdure (et que les juifs ne contestent pas, fort curieusement).

(2) Cette expression a été utilisée par Jean-Paul II à la synagogue de Rome, le 13 avril 1986. Le pape ne l’a jamais réitérée, elle ne figure dans aucun document du magistère.

Commentaires

  • Vous auriez pu mentionner que le Vatican, revenant sur ce texte, considère aujourd'hui avec raison que les juifs professent une religion chrétienne puisque c'est le secrétariat pour l'unité des chrétiens qui gère les relations avec le judaïsme.

    "Toute discrimination", cela veut dire toute discrimination 1) ayant comme critère la croyance 2) en matière de droits fondamentaux. Il est évident que, par exemple, je suis bien obligé de discriminer les hommes des femmes, sauf sur leurs droits fondamentaux. Il en est de même de toutes les catégories dans lesquelles on peut classer l'humanité.

    En matière religieuse, si un musulman n'est pas baptisé, le curé qui le reçoit pour sa conversion, doit le discriminer de celui qui, par hypothèse, serait baptisé. C'est l'évidence. Ils n'ont par hypothèse ni les mêmes droits, ni les mêmes devoirs.

    Je vous concède que ce texte manque de précision au moins sur ce point.

    De plus la pratique du Vatican à l'égard de la religion juive contredit aujourd'hui "Nostra Ætate".

    Il régnait une certaine exaltation au moment du Concile qui se ressent dans la rédaction des textes. Dans son exaltation Paul VI quelques années plus tard allait violer les droits fondamentaux et naturels des catholiques en leur imposant, sans aucun titre, la destruction de leur culture. (Je précise que Paul VI a écrit des choses fort intéressantes voire géniales sur d'autres sujets).

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