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Notules sur un concile (7) "Lumen gentium" (6)

Naguère, quand on disait « l’Eglise », on pensait à la hiérarchie : l’Eglise, c’est le pape, les évêques en communion avec le pape, et les prêtres dépendant des évêques, et aussi les religieux et les religieuses. Et il en est toujours ainsi dans les médias : quand on parle de « l’Eglise », il s’agit du pape ou de la conférence épiscopale.

Lumen gentium affirme que l’Eglise c’est le « peuple de Dieu ». Qui comprend le clergé et les laïcs. Après avoir évoqué la hiérarchie, « et spécialement l’épiscopat », le chapitre 4 de Lumen gentium traite logiquement des laïcs. Et en donne une belle définition : « Sous le nom de laïcs, on entend ici tous les fidèles, en dehors des membres de l’ordre sacré et de l’état religieux reconnu dans l’Église qui, étant incorporés au Christ par le baptême, intégrés au Peuple de Dieu, et participants à leur manière de la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, exercent pour leur part, dans l’Église et dans le monde, la mission qui est celle de tout le peuple chrétien. (…) La vocation propre des laïcs consiste à chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu’ils ordonnent selon Dieu. »

Suit un long développement, où l’on peut retenir notamment ce qui est dit de la famille, « sanctifiée par un sacrement spécial », et qui est « le terrain d’exercice et l’école par excellence de l’apostolat des laïcs ». « La famille chrétienne proclame hautement à la fois les vertus du Royaume de Dieu et l’espoir de la vie bienheureuse. Ainsi, par son exemple et par son témoignage, elle est la condamnation du monde pécheur et la lumière pour ceux qui cherchent la vérité. » Ita exemplo et testimonio suo arguit mundum de peccato [forte citation de Jésus en saint Jean] et eos qui veritatem quærunt illuminat.

Le texte dit aussi que les laïcs « ont la faculté et même parfois le devoir de manifester leur sentiment en ce qui concerne le bien de l’Eglise », et que les pasteurs doivent accorder, « avec un amour parternel », « attention et considération aux essais, vœux et désirs proposés par les laïcs ». Passons vite. Depuis le concile, on a pu voir à quel point cette attention et cette considération étaient exclusives, et cet amour plus proche de la haine pour ceux qui osaient ne pas aller dans le sens de l’autodestruction joyeuse et enthousiaste…

Ce chapitre sur les laïcs, important en soi, apparaît en outre comme une introduction au chapitre V, sur « l’appel universel à la sainteté dans l’Eglise ».

Pour beaucoup de catholiques, la sainteté était le fait de quelques mystiques bénéficiant de grâces tellement exceptionnelles qu’ils paraissent ne pas être tout à fait de la même race. Et à vrai dire les biographies officielles des saints insistaient tellement sur les plus effroyables pénitences et les plus sublimes extases que cela paraissait en effet à cent lieues de la vie « normale ». En outre, beaucoup de prédicateurs, qui partageaient ce sentiment, se contentaient de dire que c’était bien suffisant, pour « aller au ciel », de remplir son « devoir d’état ».

Or il est extrêmement important de souligner que tout le monde est appelé à la sainteté. Puisque déjà être catholique c’est appartenir à l’Eglise qui est sainte, comme le rappelle la première phrase, qui souligne une fois de plus qu’on parle d’un mystère de la foi et non d’une administration humaine : « L’Eglise, dont le saint concile présente le mystère, est aux yeux de la foi indéfectiblement sainte. » De ce fait, les chrétiens sont saints : « Appelés par Dieu, non au titre de leurs œuvres mais au titre de son dessein gracieux, justifiés en Jésus notre Seigneur, les disciples du Christ sont véritablement devenus par le baptême de la foi, fils de Dieu, participants de la nature divine et, par la même, réellement saints. Cette sanctification qu’ils ont reçue, il leur faut donc, avec la grâce de Dieu, la conserver et l’achever par leur vie. »

Il est pénible de lire ces traductions « pieuses » de la Bible où, entre autres absurdités, le mot « sancti » dans les épîtres est systématiquement traduit par « fidèles ». Saint Paul parle des « saints », parce que l’on est saint lorsqu’on est plongé dans la mort et la résurrection du Christ. Cette sainteté du baptême, il convient de la rechercher toujours et de la réaliser pour la vie éternelle. Certes, cela exige l’héroïcité des vertus et l’union à Dieu, mais c’est le destin normal de tout chrétien, et non une voie exceptionnelle. On mesure ici comment la « petite voie » de la « petite » Thérèse (que Jean-Paul II fera docteur de l’Eglise) est en phase avec cette vision de la sainteté.

Le concile souligne qu’il existe différentes formes de sainteté selon les états de vie. La sainteté d’un évêque n’est pas celle d’un artisan, et celle d’un prêtre n’est pas celle d’une mère de famille, celle d’un bien portant n’est pas celle d’un malade chronique. Mais dans chaque état on peut réaliser la sainteté car toute sainteté est un fruit de la charité : « Dieu est charité et celui qui demeure dans la charité demeure en Dieu et Dieu en lui. » Le stade ultime de la charité peut être le martyre. Mais il y a aussi les « conseils » proposés par le Seigneur, notamment la continence parfaite.

Et c’est ce qui explique qu’on en vienne ensuite, au chapitre VI, aux religieux, dont il est assez curieux a priori qu’ils arrivent après les laïcs. On pourra retenir ce propos sur le caractère exemplaire et prophétique de l’état religieux :

« En effet, le Peuple de Dieu n’a pas ici-bas de cité permanente, il est en quête de la cité future, or l’état religieux, qui assure aux siens une liberté plus grande à l’égard des charges terrestres, manifeste aussi davantage aux yeux de tous les croyants les biens célestes déjà présents en ce temps, il atteste l’existence d’une vie nouvelle et éternelle acquise par la Rédemption du Christ, il annonce enfin la résurrection à venir et la gloire du Royaume des cieux. »

Cet aspect de l’état religieux nous conduit tout naturellement au chapitre VII : « Le caractère eschatologique de l’Église en pèlerinage et son union avec l’Église du ciel ». Tel est le titre sur le site du Vatican. Dans la traduction française publiée par le Centurion, il s’agit de « l’Eglise en marche ». Mais le latin dit « Ecclesiæ peregrinantis ». Il s’agit donc bien de l’Eglise « pérégrinante », dont la marche est proprement un pèlerinage vers l’Eglise du ciel.

« Ainsi donc déjà les derniers temps sont arrivés pour nous », déclare le concile, en citant saint Paul, car « le renouvellement du monde est irrévocablement acquis et, en réalité, anticipé dès maintenant », dans la sainte Eglise, même si nous sommes encore dans l’Eglise qui pérégrine sur cette terre. Ici commence un superbe passage, sur ce thème, tout tissé de citations de l’Ecriture.

Est ensuite soulignée la communion entre l’Eglise de la terre et l’Eglise du ciel, qui forment une unique Eglise, le Corps mystique de Jésus-Christ. Il en résulte notamment que l’on peut et doit prier pour les défunts, et solliciter l’intercession des saints, que nous vénérons d’abord pour « renforcer l’union de toute l’Eglise dans l’Esprit ». Car « la communauté avec les saints nous unit au Christ de qui découlent, comme de leur source et de leur tête, toute grâce et la vie du peuple de Dieu lui-même » (c’est l’une des 12 références de Lumen gentium à l’encyclique Mystici Corporis de Pie XII).

Enfin Lumen gentium souligne que « c’est surtout dans la sainte liturgie que se réalise de la façon la plus haute notre union avec l’Eglise du ciel », et que « la célébration du sacrifice eucharistique est le moyen suprême de notre union au culte de l’Eglise du ciel ». Ce qui me fait penser aux pages splendides de M. Olier sur ce sujet, dans son livre L’esprit des cérémonies de la messe.

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