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La « fable » de la transmission du savoir antique par les Arabes

Il y a ceux qui par islamophilie prétendent que tout le savoir antique nous a été apporté par les Arabes. Et il y a ceux qui par islamophobie (et « défense de l’Occident ») prétendent que rien ne nous a été apporté par les Arabes. L’une et l’autre attitudes sont contreproductives pour ceux qui les défendent. On promeut très mal ses idées en tordant la vérité. Il faudrait prendre exemple sur Bernard Antony, capable de polémiques très dures, et qui dans son Histoire des Juifs donne une saisissante illustration de ce qu’est un jugement pondéré respectueux des faits, de tous les faits.

Non, la « transmission arabe du savoir antique » n’est pas purement et simplement une « fable ».

Une preuve irréfutable est l’expression « chiffres arabes ». Chacun sait qu’il s’agit des chiffres persans. Mais ils ont été adoptés par le califat de Bagdad et se sont donc imposés dans tout le monde arabe, jusqu’au califat de Cordoue. Et c’est par Cordoue qu’ils sont arrivés en Europe chrétienne où on les a tout naturellement appelés « chiffres arabes ».

Certains disent que c’est Gerbert d’Aurillac, l’un des hommes les plus savants de son temps, et qui allait devenir pape (Silvestre II), qui a introduit les chiffres arabes dans l’Europe chrétienne.

Quoi qu’il en soit, Gerbert d’Aurillac, qui aurait pu aller étudier à Byzance (et il sera l’ami de l’empereur Othon II, marié à une princesse byzantine), est allé étudier à Cordoue, parce que c’est à la cour du calife de Cordoue qu’il y avait les plus grands savants et les plus grandes bibliothèques.

Saint Thomas d’Aquin a connu Aristote par Averroès, qu’il appelle « le commentateur ». Le vrai nom d’Averroès, qui vivait en Espagne, est Abou al-Walid Mohammad ibn Ahmad ibn Mohammad ibn Rouchd. Il commentait Aristote (et Platon) d’après des traductions arabes qui avaient été réalisées à Bagdad et à Damas (souvent par des chrétiens de la cour des califes).

Il y a donc eu une « transmission arabe du savoir antique » de Bagdad et Damas à Cordoue en passant par l’Egypte. On ne doit certes pas l’exagérer, mais on ne peut la nier.

Addendum. Une autre preuve irréfutable de "transmission du savoir antique par les Arabes" est le mot algèbre, qui était un mot (al jabr) du titre d’un livre du mathématicien al Khouwarizmi, dont le nom lui-même a donné algorithme. Le mot chiffre est aussi un mot arabe. Quelques autres mots empruntés à l’arabe, indiquant un savoir ou un savoir faire : alambic, alcali, alcool, almanach, amalgame, antimoine, azimut, borax, camphre, coton, écarlate, élixir, goudron, laiton, magasin, maroquin, mousseline, nacre, nadir, nuque, rame (de papier), saphènes (veines superficielles de la jambe, vient d’Avicenne), satin, sirop, soude, sucre, talc, tarif, tasse, timbale, zénith, zéro.

Commentaires

  • Et pas qu'une transmission, une réelle production de savoir. Pour parler de ce que je connais, c'est le cas de façon importante en algèbre et en philosophie (Al-Ghazali, Al-Kindi, mais surtout Averroès (et Avicenne même s'il est persan : il s'agit toujours bien du monde islamique) ont produit des commentaires et autres oeuvres qui sont de vraies oeuvres philosophiques sans lesquelles (pour Averroès et Avicenne) la haute scolastique n'aurait jamais été ce qu'elle a été). Il y a eu aussi quelques progrès en astronomie, en pharmacopée...

    Il faut cependant mentionner que la traduction des textes, dans les trois premiers siècles de la civilisation islamique, était largement faite par des non-musulmans vivant à la cour des califes, chrétiens surtout, mais aussi juifs et zoroastriens. En gros on peut dire que la transmission arabe n'a eu lieu que grâce à la transmission syriaque qui l'a précédé et l'a aidé à se former.
    Sinon, d'accord avec M. Daoudal, les "gens" ont une curieuse incapacité de juger de certaines réalités avec impartialité, dans un sens ou dans un autre...

  • Il y a eu une transmission d'Aristote (dont l'oeuvre est d'ailleurs incomplète, beaucoup de ses écrits s'étant perdus) par les penseurs musulmans (ils n'étaient pas tous arabes) Par la suite ces penseurs musulmans ont été transmis aux générations ultérieures par le monde chrétiens, car le monde musulman les a condamnés comme "hérétiques" et parce que les musulmans considèrent que le Coran est nécessaire et suffisant et que donc les eouvres de philosophes n'ont aucun intérêt, voire sont tous pernicieux. (Voir sur ce point "Principes de la Réalité Naturelle" N.E.L. par Jean Madiran appendices)

    Ainsi Avérroès est connu par les traductions latines et par saint Thomas d'Aquin qui l'appelle "Le Commentateur" sous entendu "du Philosophe" i.e. (Aristote)

    L'occident, s'il ignorait Aristote, en revanche connaissait Platon ainsi que de multiples écrivains théologico-religieux et moraux dont le prince est saint Augustin.

    Aristote n'est pas le tout de la philosophie, bien qu'il soit un géant.

    Ainsi il est vrai que sans les musulmans modérés l'oeuvre d'Aristote aurait été totalement perdue, il est faux de prétendre que toute la civilisation ait été transmise par eux et totalement faux qu'ils sont seuls cause de la transmission de l'oeuvre d'Aristote jusqu'à nos jours, sans les chrétiens du hant moyen âge les oeuvres d'Aristote et même Avérroès ne nous seraient pas parvenues.

  • Non, il n'est pas vrai que sans les musulmans l'oeuvre d'Aristote aurait été totalement perdue ! D'une part parce que la transmission et la réflexion syriaques auraient continué si les pays en question n'avaient pas été mis à feu et à sang et soumis par les dits musulmans. D'autre part parce que via Boèce et Cassiodore notamment, les oeuvres logiques (l'Organon) d'Aristote ont toujours été connues en Occident - avec des regains d'intérêt à la renaissance carolingienne, puis au XIe (Abélard). Certes comme je le disais la philosophie scolastique a pris son essor maximal avec l'arrivée des commentaires et des traductions latino-arabes au cours du XIIIe siècle, cependant même dans ce cas des traductions partielles latines directement à partir du grec existaient (faites notamment à la brillante cour de Sicile).

    Ce que M. Merlin dit sur la transmission ultérieure est exact, même s'il l'on pourrait parler d'une survivance d'une pratique philosophique en Perse jusqu'au XVIIe.

  • Merci Olivier de ces précisions.

    J'avais pris mon post de la Note V de M. Madiran "sur Averroès" dans "Introduction, traduction et notes par Jean Madiran "Les Principes de la Réalité Naturelle" de st Thomas d'Aquin Nouvelles Editions Latines 1963 qui mentionne :

    "Les écoles philosophiques d'Athènes furent fermées en 529 par l'empereur Justinien. La pensée de Platon et d'Aristote, rejetée par l'Occident, trouve alors refuge en Syrie et en Perse. Au VIIIème siècle, les Syriens traduisent en arabe les oeuvres des philosophes grecs. (...) Ainsi la pensée grecque, envisagée dans son unité, fut confrontée dans un contexte musulman - avant de l'être dans un contexte chrétien"

    Cela prouve que les meilleurs esprits peuvent en recopiant des erreurs (qui semblent avoir été celles de Clerval et de Renan [in Histoire partiale, Histoire vraie de J. Giraud P. 15 "Les Sciences au Moyen Age"]) induire les autres à des injustices et des impiétés.

    Merci à vous de ces précisions. Merci aussi à M. Heers de sa mise au point.

    Il semble donc que les historiens continuent de mépriser, sans doute par ignorance, l'Occident de l'Antiquité tardive et du Haut Moyen Age très injustement.

  • Connaissez-vous Guillaume de Moerbeke qui traduisit Aristote sur commande de Thomas d'Aquin ?

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Guillaume_de_Moerbeke

    Guillaume de Moerbeke (vers 1215 - 1286) fut un érudit, traducteur de textes antiques et évêque latin de Corinthe (Grèce).

    Il fut en contact avec bon nombre des grands esprits de son temps. Il fut le traducteur médiéval le plus prolifique de textes philosophiques, médicaux et scientifiques, les traduisant du grec ancien au latin. Ses traductions eurent une influence considérable à son époque alors que peu de traductions concurrentes étaient disponibles. Elles sont toujours tenues en haute estime par les érudits modernes.

    D'origine flamande et membre de l'ordre dominicain par vocation, il devint l'évêque latin de Corinthe en Grèce, un poste difficile. Il correspondit avec le philosophe Thomas d'Aquin, le mathématicien Jean Campanus de Novora, le naturaliste polonais Vitello, et l'astronome Henri Bate de Malines qui dédia à Guillaume son traité sur l'astrolabe.

    Après avoir séjourné à Nicée, à Thèbes (en 1260) et à Corinthe, Guillaume est nommé pénitencier à la curie papale de Viterbe où il eut accès au fonds grec. En 1267, son confrère Saint Thomas d'Aquin l'y rejoint. Il participa au Concile de Lyon (1274) et de 1277 jusqu'à sa mort il fut évêque de Corinthe, un évêché catholique fondé en Morée après la Quatrième croisade. Un petit village grec, Merbaka, entre Argos et Mycènes porterait son nom.


    À la demande de Thomas d'Aquin, il entreprit la traduction complète des œuvres d'Aristote ou, pour certains morceaux, la révision des traductions existantes. Il fut le premier traducteur de la Politique (v. 1260). La raison de cette requête s'explique par le fait que les exemplaires en latin des œuvres d'Aristote qui circulaient à l'époque provenaient d'Espagne (voir Gérard de Crémone). Produits par les écoles arabes du rationaliste Averroès, ils avaient été traduits en arabe à partir de traductions syriaques. On imputait ainsi des erreurs philosophiques et théologiques à Aristote. Ces traductions ont eu une longue histoire. Elles étaient déjà des classiques au XIVe siècle quand Henricus Hervodius mit le doigt sur leur valeur : elles étaient littérales (de verbo in verbo), fidèles à l'esprit d'Aristote et dépourvues de fioriture. Le texte grec original de nombreuses traductions de Guillaume a désormais disparu : sans lui ces ouvrages auraient été perdus.


    Dans le roman philisophico-policier Le Nom de la rose d’Umberto Eco, situé à la fin du XIIIe siècle, un débat surgit entre les moines au sujet de la Poétique d'Aristote (Deuxième jour — Prime). Jorge de Burgos condamne le livre, car il est parvenu à l'Occident par le truchement des « infidèles » Maures (comme une bonne partie d'Aristote). Cependant le personnage principal, Guillaume de Baskerville, sait que la Poétique d'Aristote venait d'être traduite de l'original grec en latin par Guillaume de Moerbeke.


    Guillaume traduisit également les traités mathématiques d' Héron d'Alexandrie et d'Archimède. Ses versions des Éléments de théologie de Proclus (1268) furent d'importance notable, car les Éléments de théologie sont une des sources fondamentales de la résurgence du mouvement philosophique néo-platonicien au XIIIe siècle.


    Les collections vaticanes recèlent les traductions autographes de Guillaume de Moerbeke (1269) du plus grand mathématicien hellénistique, Archimède, avec les commentaires Eutocius. Guillaume consulta pour ce faire deux des meilleures versions des manuscrits d'Archimède, toutes deux ont depuis lors disparu.

  • (Inspiré de la NRH) Aujourd'hui l'histoire est au service de la nouvelle idéologie dominante, celle qui prône le métissage, l'immigrationnisme, le cosmopolitisme en un mot. Tout est fait pour nous couper de nos racines, pour diminuer le rôle de nos ancêtres. Ainsi est-il posé comme postulat que nous devrions tout aux Arabes et d'abord la transmission de la culture grecque.



    Jacques Heers, célèbre et éminent médiéviste, directeur des études médiévales de la Sorbonne, a de fortes pages à ce sujet quand il écrit :

    (pp. 169-170)

    "On nous dit "sans les Arabes, vous n'auriez pas connu Aristote!" C'est inexact, archi faux. Parler d'"Arabes" n'est pas seulement une facilité de langage mais une grave impropriété qui cache sans doute une mauvaise
    volonté, à savoir la volonté de taire la véritable identité des auteurs musulmans les plus féconds et les mieux connus, ceux qui ont le plus écrit en toutes sortes de domaines.



    C'étaient, pour la plupart, des Syriens, des Égyptiens ou des Espagnols qui, soumis par la conquête, avaient adopté la langue et l'écriture des maîtres. Les Perses, eux,
    avaient gardé leur langue.


    En tout état de cause, les clercs d'Occident n'ont pas attendu les musulmans. Aristote était connu et étudié à Ravenne, au temps du roi des Goths, Théodoric et du philosophe Boèce, dans les années 510-520, soit plus d'un siècle avant l'Hégire. Cet enseignement, celui de la logique notamment, n'a jamais cessé dans les écoles cathédrales puis dans les toutes premières universités et l'on se servait alors de traductions
    latines des textes grecs d'origine que les érudits, les philosophes et les hommes d'Église de Constantinople avaient pieusement gardés et largement diffusés.


    Les traductions du grec en langue arabe et de l'arabe en latin, que l'on attribue généralement à Avicenne, à Averroès et à Avicébron (auteur juif) sont apparues tard, pas avant les années 1200, alors que tous les enseignements étaient déjà en place en Occident et que cela faisait plus d'un siècle que la logique, directement inspirée d'Aristote, était reconnue comme l'un des "arts libéraux" du cursus universitaires. De
    plus, ce que donnaient à lire les Arabes ne fut pas bien accepté. Les autorités ont interdit ces travaux d'auteurs musulmans qui revendiquaient pour eux seuls l'héritage antique mais qui ne présentaient que des versions "arrangées", inspirées davantage par une propagande religieuse que par le respect des textes originaux. Les
    "traducteurs" avaient supprimé tout ce qui pouvait apparaître en contradiction avec l'enseignement de l'Islam.



    En tout état de cause, ces traducteurs, auxquels nous devrions tant, n'étaient certainement pas des Arabes et, pour la plupart, pas même des musulmans. Les conquérants d'après l'hégire n'ont porté que peu d'intérêt à la philosophie des Grecs de l'Antiquité dont les populations soumises, em Mésopotamie, en Syrie et en Chaldée, gardaient pieusement
    les textes et les enseignement. Les lettrés ne s'étaient pas tous convertis et n'ont pas, loin de là, adopté volontiers la langue de l'occupant. Le grec demeura langue officielle en Égypte et la Syrie jusque vers l'an 700. Le syriaque, parler araméen de la ville d'Édesse, ne fut abandonné par les lettrés qu'au cours du XIIIe siècle. Pendant plusieurs centaines d'années, les grands centres intellectuels de
    l'Orient, Ninive, Damas et Édesse, sont restés ceux d'avant la conquête musulmane.


    [...]



    Dans les années 800, l'un des célèbres savants de Bagdad, Houmane ibn Isbak, helléniste distingué qui entreprit de longs voyages à travers l'Asie mineure pour recueillir quantité de manuscrits grecs, traduits ensuite dans son atelier d'écriture, était chrétien. En Espagne, la ville de Tolède et plusieurs autres cités épiscopales ainsi que les grands monastères étaient des centres intellectuels très actifs, tout particulièrement pour les traductions de l'antique, bien avant
    l'invasion musulmane et la chute des rois Visigoths. L'école des traducteurs arabes de Tolède est une légende, rien de plus.


    En réalité, ces travaux des chrétiens sous occupation musulmanes n'étaient, en aucune façon, l'essentiel. Ils ne présentaient que peu d'intérêt. Les chrétiens d'Occident allaient aux sources mêmes, là où ils étaient assurés de trouver des textes authentiques beaucoup plus
    variés, plus sincères et en plus grand nombre. Chacun savait que l'Empire romain vivait toujours, intact, vigoureux sur le plan intellectuel, en Orient. Métropole religieuse, siège du patriarche, Constantinople est demeurée, jusqu'à sa chute et sa mort sous les Ottomans de Mehmet II, en 1453, un centre de savoir inégalé partout ailleurs. On n'avait nul besoin d'aller chercher l'héritage grec et latin à Bagdad ou à Cordoue: il survivait, impérieux et impérissable,
    dans cette ville chrétienne, dans ses écoles, ses académies et ses communautés monastiques.



    [Suit une longue liste d'exemples de la vivacité de cette culture antique vivante, exegèse de nombreux auteurs latins par évêques, sculptures dans palais impériaux sur les exploits d'Achille, d'Alexandre, etc.]

    Nos livres de classe disent que [nos hommes d'Église, marchands et savants d'Occident] ils ont attendu les années 1450 et la fuite des habitants des rives du Bosphore devant les Turcs pour les découvrir et connaître les savants et les lettrés grecs, pour faire d'eux leurs maîtres, mais c'est, là encore, pécher par ignorance ou par volonté de tromper.

    [suit description de l'importance de Byzance en termes économiques et les traductions faites par les Italiens négociants des Pères de l'Église, des traités de médicine de Gratien et Hippocrate, recueil d'avis juridiques de Justinien, etc.]

    "

    Forts passages également que ceux qui portent sur la réalité de la coexistence entre les "trois religions du Livre" dans l'Espagne musulmane.

    -----------
    http://www.amazon.fr/L-histoire-assassin%e9e-pi%e8ges-m%e9moire/dp/28...
    http://www.fnac.com/Shelf/article.asp?PRID=1820996

    L'histoire assassinée : Les pièges de la mémoire (Broché)
    de Jacques Heers
    # Broché: 269 pages
    # Editeur : Editions de Paris (5 avril 2006)
    # Langue: Français
    # ISBN: 2851621750

    Description du produit
    Présentation de l'éditeur
    Depuis Jules Ferry, l'histoire est la principale arme d'assaut de
    propagande d'Etat. Par les manuels et les leçons, l'école républicaine
    n'a cessé de truquer et de tronquer ce que l'honnête citoyen pouvait
    écrire.

    La mise en condition et le " formatage " du citoyen se poursuivent tout
    au long de sa vie par le commun des journaux, les romans et les images,
    les célébrations nationales, les émissions télévisées, les directives et
    les interdits. Ces tout derniers temps, l'Etat veut, en France,
    soumettre la démarche historique à une étroite surveillance et laisse de
    moins en moins de liberté aux centres de recherche qui n'ont même plus
    le loisir de choisir en toute indépendance leurs sujets d'enquête et
    leurs programmes. L'Histoire s'est dévoyée.

    Elle se dit " science humaine " mais n'étudie souvent que des
    catégories, des classes et ordres, des conditions sociales où l'individu
    paraît effacé, inexistant, soumis à la géographie, à l'évolution des
    techniques, à l'économie ou même au " sens de l'Histoire ". Elle édicte
    des règles qui ne souffrent ni exceptions ni contradictions. Du Moyen
    Age à nos jours, Jacques Heers dresse ici un inventaire des
    manipulations de l'Histoire.

    Biographie de l'auteur
    Agrégé d'histoire, Jacques Heers a été professeur aux facultés des
    lettres et aux universités d'Aix-en-Provence, d'Alger, de Caen, de
    Rouen, de Paris X-Nanterre et de la Sorbonne (Paris IV), directeur du
    Département d'études médiévales de Paris-Sorbonne. Il a publié
    dernièrement Les négriers en terre d'islam.

  • Jacques Heers, célèbre et éminent médiéviste, directeur des études médiévales de la Sorbonne, a de fortes pages à ce sujet quand il écrit :

    (pp. 169-170 dans Histoire assassinée)

    "On nous dit "sans les Arabes, vous n'auriez pas connu Aristote!" C'est inexact, archi faux. Parler d'"Arabes" n'est pas seulement une facilité de langage mais une grave impropriété qui cache sans doute une mauvaise volonté, à savoir la volonté de taire la véritable identité des auteurs
    musulmans les plus féconds et les mieux connus, ceux qui ont le plus écrit en toutes sortes de domaines. C'étaient, pour la plupart, des Syriens, des Égyptiens ou des Espagnols qui, soumis par la conquête, avaient adopté la langue et l'écriture des maîtres. Les Perses, eux, avaient gardé leur langue.

    En tout état de cause, les clercs d'Occident n'ont pas attendu les musulmans. Aristote était connu et étudié à Ravenne, au temps du roi des Goths, Théodoric et du philosophe Boèce, dans les années 510-520, soit plus d'un siècle avant l'Hégire. Cet enseignement, celui de la logique notamment, n'a jamais cessé dans les écoles cathédrales puis dans les
    toutes premières universités et l'on se servait alors de traductions latines des textes grecs d'origine que les érudits, les philosophes et les hommes d'Église de Constantinople avaient pieusement gardés et largement diffusés.

    Les traductions du grec en langue arabe et de l'arabe en latin, que l'on attribue généralement à Avicenne, à Averroès et à Avicébron (auteur juif) sont apparues tard, pas avant les années 1200, alors que tous les enseignements étaient déjà en place en Occident et que cela faisait plus d'un siècle que la logique, directement inspirée d'Aristote, était reconnue comme l'un des "arts libéraux" du cursus universitaires. De
    plus, ce que donnaient à lire les Arabes ne fut pas bien accepté. Les autorités ont interdit ces travaux d'auteurs musulmans qui revendiquaient pour eux seuls l'héritage antique mais qui ne présentaient que des versions "arrangées", inspirées davantage par une
    propagande religieuse que par le respect des textes originaux. Les "traducteurs" avaient supprimé tout ce qui pouvait apparaître en contradiction avec l'enseignement de l'Islam.

    En tout état de cause, ces traducteurs, auxquels nous devrions tant, n'étaient certainement pas des Arabes et, pour la plupart, pas même des musulmans. Les conquérants d'après l'hégire n'ont porté que peu d'intérêt à la philosophie des Grecs de l'Antiquité dont les populations
    soumises, em Mésopotamie, en Syrie et en Chaldée, gardaient pieusement les textes et les enseignement. Les lettrés ne s'étaient pas tous convertis et n'ont pas, loin de là, adopté volontiers la langue de l'occupant. Le grec demeura langue officielle en Égypte et la Syrie jusque vers l'an 700. Le syriaque, parler araméen de la ville d'Édesse, ne fut abandonné par les lettrés qu'au cours du XIIIe siècle. Pendant plusieurs centaines d'années, les grands centres intellectuels de l'Orient, Ninive, Damas et Édesse, sont restés ceux d'avant la conquête musulmane.

    [...]

    Dans les années 800, l'un des célèbres savants de Bagdad, Houmane ibn Isbak, helléniste distingué qui entreprit de longs voyages à travers l'Asie mineure pour recueillir quantité de manuscrits grecs, traduits ensuite dans son atelier d'écriture, était chrétien. En Espagne, la ville de Tolède et plusieurs autres cités épiscopales ainsi que les grands monastères étaient des centres intellectuels très actifs, tout particulièrement pour les traductions de l'antique, bien avant
    l'invasion musulmane et la chute des rois Visigoths. L'école des traducteurs arabes de Tolède est une légende, rien de plus.

    En réalité, ces travaux des chrétiens sous occupation musulmanes n'étaient, en aucune façon, l'essentiel. Ils ne présentaient que peu d'intérêt. Les chrétiens d'Occident allaient aux sources mêmes, là où ils étaient assurés de trouver des textes authentiques beaucoup plus variés, plus sincères et en plus grand nombre. Chacun savait que l'Empire romain vivait toujours, intact, vigoureux sur le plan
    intellectuelm en Orient. Métropole religieuse, siège du Patriarche, Constantinople est demeurée, jusqu'à sa chute et sa mort sous les Ottomans de Mehmet II, en 1453, un centre de savoir inégalé partout ailleurs. On n'avait nul besoin d'aller chercher l'héritage grec et latin à Bagdad ou à Cordoue: il survivait, impérieux et impérissable, dans cette ville chrétienne, dans ses écoles, ses académies et ses
    communautés monastiques.

  • Je conseille à tous cette vidéo tout à fait réjouissante à ce sujet http://www.dailymotion.com/relevance/search/Remi%2BBrague%2BLuc%2BFerry/video/x1topt_remi-brague-vs-luc-ferry-kto-24-11
    où l'on voit M. Ferry attaquer vilement le pape et son discours de Ratisbonne, et puis l'excellent Rémi Brague répliquer en ridiculisant M. Ferry ! En rappelant des vérités salutaires sur le lien entre raison et foi en Occident... avant Averroès et l'entrée du savoir et des traductions arabes...

  • L'aventure de Monsieur Madiran et la mienne à sa suite reste intéressante en ce qu'en recopiant des auteurs comme (probablement) E. Renan (M. Madiran ne cite pas ses sources, mais on le croit sur parole, hélas, vu son engagement), on écrit l'histoire en ressassant des erreurs voire des monstruosités.

    Comme quoi aussi le plaidoyer de mauvaise foi en faveur de l'islam ne date pas d'hier.

    Le ton doctoral et sans réplique de Ferry pour dire proférer d'évidentes contrevérités (il était évident, même pour moi qu'il mentait, vu saint Augustin) est exemplaire de ce que le pouvoir de l'argent peut sur la psychologie humaine.

  • Ces mots ne prouvent pas la transmission du savoir antique... Enfin certainement pas tous.

    La nuque inventée par les Grecs et transmise par les Arabes ?

    Idem des maroquins... Quel part de savoir antique ?

    Enfin, il est évident que le monde arabe a été une grande civilisation (esclavagiste) et qu'elle a transmis des marchandises et des techniques (indiennes, persanes), mais de là à dire qu'elle nous a transmis fidèlement la pensée antique, il y a un énorme pas.

    [Le mot nuque est venu par la médecine arabe. Il vient de l'arabe noukha, qui veut dire moëlle épinière, et ce fut d'abord le sens de ce mot en français. - Le mot maroquin vient de l'arabe marrakichi, (traitement de cuir) de Marrakech, par l'espagnol; ce n'est pas antique, mais c'est le savoir faire arabe. Y.D.]

  • Au sujet de nuque (par Constantin l'Africain à Salerne) et maroquin (si on peut dire que les Berbères sont arabes) ,etc.

    Nous parlions du savoir antique et de sa transmission... La longue liste de mots est pour la plupart sans rapport avec le titre (transmission du savoir antique) et la phrase qui la précède et qui parle avec raison de transmission de savoir dans le cas de l'algèbre.

    Je dis ceci sans vouloir nier l'originalité et même l'inventivité des mathématiciens arabo-musulmans, mais nous parlons de la transmission des savoirs antiques.

    Pour l'algèbre, il y a, en effet, transmission de savoirs antiques, car les arabo-musulmans intégrèrent et transmirent, par exemple, les connaissances mathématiques de Diophante parfois appelé le père de l'algèbre.

    Mais cette transmission ne fut pas parfaite:
    « The introduction [du traité de Diophante appelé Arithmétique] also states that the work is divided into 13 books. Six of these books were known in Europe in the late 15th century, transmitted in Greek by Byzantine scholars and numbered from I to VI; four other books were discovered in **1968** in a 9th-century Arabic translation by Qusta ibn Luqa. However, the Arabic text lacks mathematical symbolism, and it appears to be based on a later Greek commentary—perhaps that of Hypatia (c. 370–415)—that diluted Diophantus's exposition.» http://concise.britannica.com/ebc/article-9030557/Diophantus-of-Alexandria

    Notons que Diophante est un Grec d'Alexandrie de l'époque chrétienne.


    Enfin, pinaillage, al Khouwarizmi n'est pas arabe, mais persan. Il vaut donc mieux parler des arabo-musulmans. Les fans d'OSS 117 comprendront.

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