Le gouvernement allemand a présenté hier la « fête citoyenne » (forcément citoyenne) qui aura lieu à Berlin pour le 50e anniversaire du traité de Rome. Ce sera une « grande fête populaire », dont le coût est estimé à 1,7 million d’euros.
Cela commencera le 24 mars au soir. Le peuple est convié à célébrer la « nuit européenne de la beauté » en visitant les musées de Berlin qui seront ouverts jusqu’à 2 heures, et la « nuit européennes des clubs » en se rendant dans les boîtes de nuit qui seront ouvertes jusqu’au matin. Quelle imagination !
Pendant ce temps-là, l’Europe d’en haut, celle des chefs d’Etat et de gouvernement, sera à la Philharmonie de Berlin, pour entendre la 5e Symphonie de Beethoven (quelle fabuleuse imagination !), avant un dîner de gala...
Le 25 mars, devant la porte de Brandebourg, se succéderont des groupes de rock et des chanteurs de variété, avec en vedette Joe Cocker (c’est encore plus imaginatif). Tandis que des tentes seront dressées dans les avenues environnantes, où chaque Etat membre aura son stand, les autres tentes étant occupées par une multitude d’ONG, principalement allemandes, précise-t-on. Et sur l’avenue Unter den Linden seront érigés des poteaux ornés de photographies racontant l’histoire merveilleuse de ces 50 ans de paix et de démocratie... So schön...
Pendant que la teuf gratuite de l’Europe d’en bas battra son plein à la Porte de Brandebourg, l’Europe d’en haut sera au Musée historique allemand (sic), où Angela Merkel, José Manuel Barroso et Hans-Gerd Pöttering signeront, au nom des « trois pouvoirs européens », la déclaration du cinquantenaire, qui aura été auparavant approuvée par les 27, et qui est destinée à remplir de fierté et d’enthousiasme l’Europe d’en bas.
Cela dit, on ne sait toujours pas ce qu’il y aura dans cette déclaration. On sait seulement qu’elle sera très courte, puisqu’on en élimine tous les sujets qui fâchent.
Des petits malins avaient suggéré d’y inclure une référence aux racines chrétiennes de l’Europe, comme ça ce serait fait dans un texte officiel et il n’y aurait plus besoin de remettre la question sur le tapis dans les discussions sur le nouveau texte de la Constitution européenne...
Mais Angela Merkel a décidé qu’une telle mention n’y figurerait pas : « Nous ne voulons pas faire de déclaration provocante, mais nous voulons mettre en valeur ce qui nous unit et donc il est probable qu’il n’y aura rien dans ce sens », a-t-elle déclaré à la télévision.
Ainsi ce serait une « provocation » d’évoquer l’héritage chrétien de l’Europe, et ce serait un facteur de division... Pourtant, un simple coup d’œil sur les villes et les campagnes d’Europe montre que ce qui leur est le plus absolument commun, d’Edimbourg à Athènes, de Tallin à Séville, de Varsovie à Messine, ce sont les cathédrales, les églises et les chapelles.
Le Premier ministre polonais Jaroslaw Kaczynski a fort opportunément et remarquablement répondu : « Je pense qu’il existe une très forte réticence de la part de certains gouvernements qui ne peuvent même pas reconnaître ce qui est évident – car il est évident que la civilisation de l’Europe d’aujourd’hui est très fortement liée à la chrétienté. Cela m’inquiète, car c’est une sorte de censure : quelque chose est évident, mais on ne peut pas l’inscrire. Il s’agit de la chrétienté, mais aussi de la vérité. Ce n’est vraiment pas bon, si lors de la définition des fondements de l’UE, on ne peut pas se servir de la vérité. »
C’est que la construction européenne, que l’on célèbre de façon si médiocre, repose depuis le début sur le mensonge.